Proposition de sujet de thèse – Soil Organic Matter in Mountain Environment. From recently deglaciated area to mature mountain Ecosystem (OT96)

Proposition de sujet de thèse – Soil Organic Matter in Mountain Environment. From recently deglaciated area to mature mountain Ecosystem (OT96)

Noms des encadrants : J. Poulenard ; P. Choler ; L. Cecillon
Laboratooires : LECA/EDYTEM/IRSTEA

Contexte scientifique global
La matière organique des sols (MOS) est une composante clé des services rendus par les écosystèmes. Il est en effet fondamental de comprendre et in fine modéliser le devenir (stockage, minéralisation) des MOS en relation avec les changements actuelles (climatiques, usage des sols, pratiques agro-sylvicoles) (Schmidt et al. 2011). En effet, à l’échelle globale, l’essentiel du carbone organique des écosystèmes terrestres est situé dans les sols. Or, on sait que des modifications légères des facteurs de forçage peuvent conduire le sol à être soit une source de carbone pour l’atmosphère soit un puits.
Cependant, les dynamiques de constitution des stocks de MOS, la variabilité de ces stocks et leurs relations avec les composantes biotiques et abiotiques des écosystèmes sont insuffisamment connus à l’échelle du paysage (Barré et al., 2017). Comme pour beaucoup de mécanismes ayant court dans les écosystèmes, on connaît particulièrement mal les cinétiques des processus de stockage/déstockage de matières organiques des sols.
Une meilleure compréhension des mécanismes et des cinétiques contrôlant la persistance du carbone dans les sols est nécessaire (Barré et al. 2016 ; Dignac et al., 2017). De la même manière la réactivité des MOS (nature et cinétique de stabilisation ou de minéralisation du carbone organique) face aux changements environnementaux est globalement méconnue (Lehmann and Kleber 2015).
Cette méconnaissance conduit à de très sérieux problèmes notamment pour la modélisation climatique (Ciais et al. 2014). Le modèle de dynamique des matières organiques des sols (CENTURY; Parton et al. 1994) utilisé dans la plupart des grands modèles climatiques est incapable de simuler correctement la dynamique et le stockage des MOS (en particulier dans les paysages complexes de montagne). Ce manque de connaissance, des stocks de MOS et des facteurs qui contrôlent réellement à l’échelle du paysage les variations de ce stock, est encore plus problématique pour la réalisation du grand programme international visant à augmenter, en changeant les pratiques agricoles et les usages, les stocks de carbone des sols : l’initiative « 4pour1000 : les sols pour la sécurité alimentaire et le climat ». Cette initiative proposée lors de la COP21 par la France et maintenant signés par 200 organisations (dont 37 pays) vise à augmenter de 4 ‰ par an et pendant 30 ans le stock de carbone dans les sols pour compenser l’augmentation annuelle de CO2 dans l’atmosphère (http://4p1000.org/ ) (Minasny et al. 2017).
La matière organique des sols s’est donc inscrite à l’agenda des décideurs politiques à l’échelle du globe (Puig de la Bellacasa 2015). De nombreux programmes de recherche sont en cours ou se lancent pour réduire l’écart entre le niveau de connaissance sur la dynamique des MOS et les engagements de politiques environnementales de séquestration nette de carbone dans les sols pris par la communauté internationale.
Les environnements de montagne présentent dans ce contexte général des spécificités fortes. Les stocks de MOS y sont particulièrement élevés (Egli et al. 2010; Sjögersten et al. 2011; Saenger et al. 2015; Egli and Poulenard 2016). Leur variabilité spatiale est également très forte notamment en lien avec les gradients d’altitudes et d’usages (sylviculture, pastoralisme). Enfin les stocks de MOS dans les sols de montagne sont considérés comme particulièrement vulnérables aux changements actuels de climats et d’usage (Puissant et al. 2017).
Les milieux de montagne, subissant intensément les effets du changement climatiques offrent un autre très grand intérêt pour l’étude temporelle des dynamiques écosystèmiques. En effet, le retrait glaciaire libère de nouveaux espaces peu à peu colonisés par des organismes et sur lesquels se développent des sols (Cannone et al. 2008). Ces chronoséquences de développement des écosystèmes et des sols ont été grandement étudiés notamment pour les plantes. Ces études sont à la base notamment de la théorie des successions (Clements, 1916). Les retraits actuels combinés à de nouvelles méthodes de datations des marges glaciaires anciennes (cosmogéniques) offrent des opportunités scientifiques renouvelés pour étudier les premiers temps des écosystèmes. Pour la compréhension de la manière dont les stocks de matières organiques se constituent, ces chronoséquences sont fondamentales (Egli et al., 2010 . Smittenberger et al . 2012 ; Schweizer et al. 2018).

Projet de thèse
L’objectif de cette thèse est d’étudier le stockage de carbone sous forme de MOS dans les sols de montagne. La thèse vise à comprendre i) comment ces stocks se constituent et quelles sont les caractéristiques des matières organiques stockés au cours du temps – dispositif marges glaciaires ii) comment ces MOS évoluent dans l’espace en relation avec des facteurs abiotiques (altitude, température…) et avec la biodiversité fonctionnelle du sols – dispositifs gradients.
Les stocks et les principaux facteurs de forçages qui s’exercent sur ceux-ci seront mesurés en utilisant les gradients de l’Observatoire des Relations Climat-Homme-milieux Agro-sylvo-pastoraux du Massif alPin (ORCHAMP). Il s’agit d’une vingtaine de transects altitudinaux installés dans le cadre de la Zone Atelier Alpes depuis la frontière Suisse, en Haute-savoie jusque dans les Alpes du sud (Parc du Mercantour). Sur ces vingt gradients, un certain nombre de placettes (entre 6 et 8) sont installées à différentes altitudes, sous différents usages, avec différentes végétations. La diversité et le fonctionnement biologique de chaque placette seront étudiés dans le cadre du projet IRS MONTANE par les partenaires académiques (LECA, IRSTEA, CBNA) et locaux (ASTERS, CREA, parcs nationaux et parcs naturel régionaux). Les sols seront étudiés par l’équipe EDYTEM-IRSTEA. Le doctorant aura la responsabilité de l’étude du compartiment organique des sols. Différentes techniques analytiques (pyrolyse Rock-Eval, isotopes stables, spectrométrie infrarouge, fluorimétrie 3D induite par laser) déjà bien maitrisées par l’équipe d’encadrement seront utilisées pour caractériser et quantifier différents pools de MOS au temps de résidence contrastés dans ces sols. Les relations entre les stocks de C, la taille des pools de MOS et leurs caractéristiques chimiques, et les facteurs environnementaux et la multidiversité fonctionnelle seront établies (Tâche A).
Parallèlement à cette approche statique des stocks de matières organiques, le doctorant étudiera les matières organiques des sols d’une trentaine de chronoséquences de retrait glaciaires obtenus dans le cadre du projet DIPEE Dynamic-Ice et de l’ERC IceCommunities (ERC - Francesco Ficetola). Il s’agira, en utilisant les mêmes outils méthodologiques de caractériser l’évolution dans le temps du compartiment organique des sols (en particulier pour les 200 dernières années). Les sols seront issus de marges glaciaires de différentes parties du monde (Alpes, Andes, Himalaya). Comme pour la première tâche des relations entre les compartiments pédologiques, les facteurs environnementaux et la biodiversité fonctinnelle (étudiée comme sur les transects ORCHAMP notamment par métabarcoding de l’ADN du sol) (Tâche B).
Pour les deux tâches, le doctorant devra interagir très fortement avec les chercheurs impliqués dans les deux programmes.
Au final, la thèse en s’appuyant sur deux dispositifs, l’un dédié à la variation dans l’espace des MOS en montagne, l’autre à la variation dans le temps, contribuera à établir une estimation nouvelle de la fonction de séquestration du carbone dans les sols des environnements de montagne. Outre l’intérêt théorique évident pour les MO des sols (et qui va bien au-delà du contexte montagnard), cette connaissance sera à la base de futurs projets de pilotage de cette fonction via la mise en œuvre de pratiques de gestion au sein des territoires de montagnes.
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