Contexte et enjeux
L’un des enjeux majeurs pour accéder à une valorisation énergétique et agronomique optimisée des déchets et résidus organiques est de promouvoir des cascades technologiques innovantes, qui minimisent les impacts environnementaux et permettent de développer une bioéconomie sur les territoires. Si l’on considère la production d’énergie renouvelable sur la base de la biomasse, deux grandes voies se dégagent : la méthanisation et la thermo-conversion (pyrolyse/gazéification). Parallèlement, le compostage reste encore une solution largement répandue de transformation/stabilisation avant retour au sol des déchets organiques. Ces trois types de procédés aboutissent à des produits variés : énergie, huiles à haute valeur ajoutée, digestats, biochar et compost. Cependant, il existe pour chacun d’eux des limites et des questionnements. Ainsi, la méthanisation conduit à la production de digestat caractérisé par sa forte teneur en azote, notamment en azote ammoniacal dont le comportement peut significativement différer de celui d’un produit organique non méthanisé. Un potentiel accru d’émission ammoniacale a ainsi été observé lors du stockage et du retour au sol de digestat. Ces émissions vont également apparaitre lors du compostage du digestat solide, qui reste à ce jour la principale voie d’obtention d’un statut de produit pour les digestats. La pyrolyse produit quant à elle des biochars qui soulèvent des questions concernant leurs effets agronomiques. Enfin, l’un des verrous du procédé de compostage réside dans les pertes azotées (NH3 et N2O) qui entrainent un impact environnemental négatif et de plus limitent l’intérêt agronomique du produit obtenu. En particulier, la comparaison du compostage de déchets non méthanisés et de digestats montrent des émissions plus importantes dans le cas des digestats, la part d’azote perdue pouvant aller jusqu’à 70% de l’azote initialement contenu. De plus des émissions de N2O sont fréquemment observées dans une phase tardive du compostage de digestat. L’enjeu de minimisation des émissions azotées lors du compostage des digestats est donc crucial pour limiter l’impact environnemental du traitement mais également pour optimiser la valeur fertilisante des composts de digestats.
Une perspective pour répondre à ces questions pourrait résider dans la proposition d’une cascade technologique valorisant conjointement le digestat et le biochar par compostage en un fertilisant à haute valeur ajoutée. En effet, différentes approches sont explorées pour réduire les émissions azotées en compostage : modification du rapport C/N ; modification des conditions d’aération; modification des conditions de pH ; inoculation de micro-organismes d’intérêt; barrière physique. L’approche la plus développée reste néanmoins l’ajout d’un co-substrat, le plus souvent structurant pour piéger l’azote ammoniacal. Cependant, l’intérêt d’un tel piégeage ne peut être avéré que si le structurant est conservé dans le compost en fin de traitement. Parmi les matériaux structurants pouvant être conservés dans le compost, on observe dans la littérature un intérêt croissant pour les biochars issus des procédés de pyrolyse des déchets. L’ajout de biochar semble ainsi amplifier la biodégradation, notamment en modifiant et activant les communautés microbiennes, et la biosynthèse de molécules humiques. Concernant les émissions gazeuses, l’effet de l’ajout de biochar sur les émissions de NH3 varie selon la nature du biochar, mais son utilisation dans le cadre du compostage de digestat semble pouvoir limiter les émissions de CH4 et de N2O. L’étude de l’application au compostage des digestats est cependant très restreinte et des travaux de compréhension des mécanismes et effets liés à l’introduction de biochar lors du compostage de digestat s’avèrent donc nécessaires.
Descriptif des travaux
Le projet de thèse COMBINeD devra répondre aux questions suivantes : 1/ la synergie digestat – biochar – compostage est-elle avérée pour réduire les émissions azotées et obtenir un fertilisant d’intérêt ? ; 2/ Quelle est la faisabilité de mise en œuvre de cette synergie ? Pour répondre à ces questions, le projet de thèse développera deux approches:
Ces approches seront développées via 5 tâches présentées ci-après.
Tâche 1(T1): Revue bibliographique des connaissances sur les synergies digestat – biochar – compostage
L’objectif principal de ce travail sera d’identifier quels sont les facteurs (intrinsèques au substrat et/ou de gestion opérationnelle du compostage) susceptibles de piloter la limitation des pertes d’azote en compostage et la qualité du compost final. Les résultats obtenus conduiront à un choix des facteurs à tester expérimentalement pour la suite des travaux.
Tâche 2 (T2) : Screening expérimental de l’influence des facteurs opérationnels lors du compostage de digestats avec des biochars
Sur la base des résultats de la tâche 1, un plan d’expérience sera établi pour déterminer quels sont les facteurs les plus déterminants sur la performance du compostage de digestat et de biochar (par exemple : type de digestat, type de biochar, mode d’apport, ratio, etc.).
Tâche 3 (T3) : Compréhension fine des processus mis en jeu
Les résultats de la tâche 2 seront utilisés pour choisir une ou deux modalités opérationnelles sur lesquelles les processus intervenant lors du compostage seront étudiés.
Tâche transversale 1 (TT1) : Evaluation des potentialités organisationnelles, technologiques et environnementales de la cascade technologique : digestion anaérobie – pyrolyse – compostage
Cette tâche ne visera pas à développer un travail méthodologique académique sur l’évaluation d’une filière de gestion des déchets. Il s’agit d’acquérir des éléments d’analyse du système à la fois pour nourrir le travail de Génie des procédés, mais aussi pour émettre des perspectives opérationnelles pour les résultats.
Tâche transversale 2 (TT2) : Formation du doctorant et valorisation des résultats
Cette seconde tâche transversale vise à prendre en compte dès le démarrage de la thèse le temps nécessaire au doctorant pour réaliser les quotas de formation obligatoire au cours du doctorat (100 heures) et finaliser les valorisations envisagées.
Structure d’accueil
Le doctorant sera rattaché à unité de recherche OPAALE « Optimisation des procédés en agriculture, agro-alimentaire et environnement » du centre Irstea de Rennes. Parmi ses objets de recherche l’unité étudie les procédés de transformation des déchets organiques dans le cadre de la mise en place de filières de valorisation ainsi que les impacts environnementaux et sanitaires et les aspects organisationnels et techniques attachés à ces filières. Pour ce faire, les chercheurs s’appuient notamment sur des approches expérimentales pour lesquelles ils disposent d’une halle expérimentale équipées de réacteurs pilotes et de laboratoires d’analyses en chimie, microbiologie et biologie moléculaire. (https://www.irstea.fr/fr/recherche/unites-de-recherche/opaale)
Cadre de la thèse
Encadrement :
Ecole doctorale : ED EGAAL « Écologie, Géosciences, Agronomie, Alimentation », Université Bretagne-Loire
Durée : 36 mois à compter de l’automne 2019
Financement : Contrat doctoral Irstea
Profil du candidat
Master 2 ou diplôme d’ingénieur dans le domaine du génie des procédés. Des connaissances en génie biologique (processus aérobie et anaérobie) et connaissances de base des techniques analytiques en microbiologie seront appréciées de même que des connaissances de base en chimie des interfaces. Une pré- sensibilisation à l’analyse environnementale serait un plus.
Le candidat devra par ailleurs faire preuve d’un goût prononcé pour les travaux expérimentaux. Ses capacités rédactionnelles et orales en français et en anglais seront évaluées au cours du processus de sélection
Modalités de candidature
Les candidatures (CV et lettre de motivation) sont à déposer avant le 19/05/2019 via le site https://pasi.irstea.fr (sujet N°4175)
Contact
Anne Trémier (Tel : 02 23 48 21 55 / Courriel : anne.tremier@irstea.fr)
Irstea – Unité OPAALE, 17 avenue de Cucillé, CS 64427, 35044 Rennes Cedex
Le descriptif de l’offre est téléchargeable ici.