Le fonctionnement des communautés végétales est très contrasté entre des milieux productifs et fertiles, et des milieux stressants et peu productifs 1–3. Il est attendu que la productivité végétale baisse en cas d’exposition à des polluants pour plusieurs raisons. D’abord, l’exposition des plantes à divers polluants présents dans les sols peut impacter le développement et le fonctionnement du système racinaire 4. De manière indirecte, la pollution du sol module la composition et le fonctionnement des communautés microbiennes, ce qui pourrait réduire le recyclage de la matière organique et la fertilité du milieu 5. Enfin, des plantes adaptées et moins impactées par l’exposition à un polluant ont des mécanismes physiologiques particuliers (transport, stockage et détoxification des polluants). Cette adaptation a un coût en ressources et énergie, coût qui pourrait impliquer une diminution de la croissance 6. Les similitudes possibles entre les réponses attendues en cas de baisse de la productivité, et en cas d’exposition à des polluants, offrent un point de départ intéressant pour placer les systèmes pollués dans un cadre d’écologie plus général.
Le long d’un gradient de productivité, au niveau intra-spécifique, l’Optimal Partitionning Theory (OPT) 7,8 indique que les ressources disponibles sont allouées en priorité aux organes responsables de l’acquisition des ressources les plus limitantes. Un mécanisme bien connu est par exemple la plasticité du root : shoot ratio (rapport entre la biomasse racinaire et biomasse aérienne) qui augmente lorsque les ressources du sol (eau ou nutriments) sont les plus limitantes. L’observation d’une possible augmentation de l’allocation des ressources au système racinaire, en lien avec la réduction de l’accès aux ressources du sol, et sur un certains nombres d’espèces modèles, offre une approche expérimentale simple pour identifier des similarités de réponses entre les gradients de pollution et les gradients de productivité classiquement étudiés en écologie.
Des études préliminaires au sein de l’EA 4592 G&E sur une variété sensible d’une dicotylédone (Phaseolus vulgaris) confirment une augmentation de l’allocation aux racines sur sol pollués (au cuivre et HAPs) en réponse à une perturbation de l’accès à l’eau et à l’azote. Cette thèse s’inscrit dans la poursuite de ces travaux. L’objectif est de tester pour plusieurs espèces modèles (graminées, dicotylédones, espèces ligneuses), si les réponses allocatives le long de gradients de pollution sont cohérent avec l’OPT et la diminution de l’accès à certaines ressources. Ce cadre conceptuel sera testé en comparant pour chaque espèce les réponses de populations sensibles et de populations tolérantes déjà identifiées. L’hypothèse proposée est double :
Le système d’étude proposé est basé essentiellement sur un site contaminé où la pollution au cuivre et aux HAPs a déjà été étudiée 9,10. Les espèces végétales cibles comprennent en priorité plusieurs populations d’Agrostis capillaris (graminée) et de Populus nigra (espèce ligneuse) dont des populations, adaptées ou non aux polluants précités, ont été identifiées. La possibilité d’élargir le système d’étude à des populations métallophytes se développant sur sol calaminaire, et non metallophytes, de Noccaea caerulescens et Silene vulgaris subsp. humilis sera abordée. L’OPT sera testée au regard des hypothèses décrites ci-dessus par :
Impacts et retombées sociétales :
En Europe, des activités polluantes ont été exercées sur près de 3 millions de sites dont 250 000 nécessiteraient des actions de réhabilitation urgentes 11. L’étude de l’effet de ces polluants sur différentes espèces végétales modèles permet de mieux caractériser leurs impacts sur les plantes exposées, pour identifier et expliciter les stratégies d’adaptation. Celles-ci sont utiles pour mener des projets de réhabilitation utilisant la végétation et microorganismes associés pour diminuer les liens de pollution sur sites aux sols contaminés et rétablir leur fonctionnalité écologique. Cependant, l’effet des contaminants sur les espèces végétales est complexe et peut varier d’un site pollué à l’autre 12. Cela complique la mise en place des méthodes de réhabilitation, et l’efficacité de certaines phyto-technologies est parfois limitée13.
Malgré la complexité de l’effet des polluants, cette thèse contribue à identifier des règles générales applicables à de nombreux systèmes pollués. Si l’adaptation à l’exposition à divers contaminants présente des similarités avec les réponses le long des gradients de productivité, les applications pour la gestion des sites pollués pourraient être nombreuses. En particulier, l’utilisation d’espèces ou d’association d’espèces adaptées aux milieux les moins productifs pourraient être testée sur des sites où la pollution a des impacts importants et où d’autres méthodes de réhabilitation ont échoué.
Encadrement :
Cette thèse sera encadrée au sein de l’EA 4592 par Oliver Atteia (Directeur de thèse) et Florian Delerue (Co-directeur de thèse). Une collaboration forte est attendue avec Michel Mench de l’UMR BioGeCo.
Contact : Florian DELERUE ; fdelerue@ensegid.fr; +33 (5) 56 84 69 18
Références :
Le descriptif de l’offre est disponible ici.