Proposition sujet de thèse
Directrice de thèse : E. Le Cadre (professeure AGROCAMPUS OUEST) UMR 1069 SASCo
Encadrants de thèse : Carof Matthieu, Godinot Olivier
Fiche projet 2019
Région Bretagne - Fiche Projet ARED 2019 1
La transition des modes de production actuels vers des modes de production agroécologiques est nécessaire pour réduire fortement les atteintes environnementales de l’agriculture tout en permettant à ses acteurs de vivre décemment de cette activité. Ceci est particulièrement vrai en Bretagne, première région en termes de productions animales et d’emploi agroalimentaire. Cette transition pourrait s’appuyer sur la mise au point de nouveaux systèmes de culture, répartis judicieusement sur le territoire et intégrant mieux (i) la biodiversité planifiée, permise par la diversification dans le temps (rotation culturale) et dans l’espace (association culturale) des cultures, et (ii) la biodiversité associée (e.g., les organismes telluriques, la flore adventice) résultant des choix techniques des agriculteurs (dont la diversification des cultures). Le projet de thèse présenté ici se propose de mettre au point des scénarios crédibles, sur le plan agronomique et économique, d’accroissement de la biodiversité par la diversification des cultures et d’évaluer leurs intérêts sur les services écosystémiques de production, de support et de régulation. Ces scénarios seront testés virtuellement grâce au modèle APSIM et évalués via le calcul d’indicateurs de durabilité renseignant sur des services écosystémiques comme la production de ressources ou la régulation de la qualité de l’eau. Les résultats des simulations et de l’évaluation seront discutés avec un panel d’agriculteurs du territoire breton. Le projet de thèse étudiera également la pertinence de ces scénarios dans une large gamme de contextes pédoclimatiques, en Bretagne, afin d’identifier, toujours sur les services écosystémiques d’intérêt, leur impact territorial.
Les systèmes agricoles intensifs spécialisés sont responsables de dégradations environnementales comme la réduction de la biodiversité, la simplification des paysages, la contamination des eaux, l’émission de gaz à effet de serre ou la baisse de la qualité des sols (Lemaire et al., 2014). Pour contrecarrer ces dégradations, de nouveaux systèmes agricoles, en rupture avec l’existant, doivent être conçus (Meynard et Jeuffroy, 2014). Ces nouveaux systèmes, alliant efficacité (i.e., capacité à remplir des objectifs productifs) et efficience (i.e., adéquation entre les ressources mobilisées par ces systèmes et les résultats qui en découlent), pourraient se construire sur le principe de l’intensification écologique : comprendre le fonctionnement de la nature pour utiliser ses ressources, sans la détruire, et rompre avec les pratiques fondées sur l’utilisation intensive de pesticides, d’engrais chimiques, d’eau et d’énergie fossile (CIRAD, 2008). En particulier, Duru et al. (2015) proposent une approche, qu’ils qualifient de « forte modernisation » écologique, reposant sur une biodiversité accrue dans les agroécosystèmes. Cet accroissement de la biodiversité est possible directement par les choix techniques de l’agriculteur : c’est l’accroissement de la biodiversité planifiée permise par la diversification temporelle (rotation culturale) et spatiale (association culturale) des cultures (Le Roux et al., 2008). Indirectement, ces choix techniques agissent sur la biodiversité associée (e.g., les organismes telluriques, la flore adventice). Dans des systèmes conçus selon cette approche, le service écosystémique de production est fourni par la biodiversité planifiée pendant que ceux de support (e.g., la qualité du sol) et de régulation (e.g., la régulation de l’érosion, la régulation des parasites) sont fournis par la biodiversité associée. L’enjeu de la thèse est de proposer des scénarios crédibles d’accroissement de la biodiversité par la diversification des cultures et d’évaluer leurs intérêts sur les services écosystémiques de production, de support et de régulation. D’une part, cela implique de réfléchir à une diversification des cultures adaptée aux contextes pédoclimatiques et économiques des exploitations agricoles d’un territoire et d’autre part, cela implique, selon le service écosystémique considéré (e.g., la qualité du sol), de considérer les impacts de la diversification non seulement sur le temps court (l’année culturale) mais également sur le temps long (a minima, la rotation culturale). Le territoire étudié sera la Bretagne, première région agricole en productions animales et première en termes d’emploi agroalimentaire (DRAAF Bretagne, 2018). Depuis longtemps, les acteurs de ce territoire sont conscients de la nécessité d’assurer une productivité agricole adaptée aux besoins des populations tout en préservant la qualité de l’environnement. Les acteurs bretons sont convaincus de devoir renouveler les systèmes de production bretons, selon l’approche décrite précédemment. En conséquence, ce projet de thèse s’inscrit totalement dans une démarche de production de références scientifiques pour participer à la transition agroécologique de l’agriculture bretonne.
Accompagner la transition agroécologique suppose de mieux comprendre les boucles de rétroaction entre fonctionnement des couverts végétaux et du sol. En effet, les couverts végétaux modifient les composantes abiotiques (structure du sol, disponibilité des nutriments) et biotiques (réservoir de micro organismes mobilisables par les plantes). Conceptualisé sous le terme de « Plant Soil Feedback », ces boucles de rétroaction peuvent affecter les performances des plantes (Hunter et al, 2014 ; Benitez et al, 2017), mais également les fonctions du sol associés aux organismes du sol (faune et microorganismes) moteurs des services écosystémiques de régulation de la qualité de l’air ou de l’eau (Zak et al, 2003). Pour lever ce verrou scientifique, notre hypothèse principale est la suivante : la diversification des cultures dans le temps (rotation culturale) et dans l’espace (association culturale) améliore la fourniture de services écosystémiques de production, de support et de régulation. Nous supposons que pour un même scénario de diversification des cultures, l’intensité des services fournis varie d’une situation pédoclimatique à l’autre, et évolue au cours du temps, en lien avec le fonctionnement du sol.
Quatre étapes constitueront le programme de recherche de cette thèse. La première étape sera la proposition de scénarios de diversification (rotations et associations culturales). La deuxième étape sera la simulation des impacts de ces scénarios de diversification sur les services écosystémiques d’intérêt (e.g., productivité, cycle C-N-P), dans un nombre restreint de contextes pédoclimatiques. Les scénarios retenus, éventuellement améliorés (on ne parlera alors plus de scénarios mais de prototypes) seront analysés économiquement dans une troisième étape. Enfin, dans une quatrième et dernière étape, les prototypes seront testés, in silico, dans une large gamme de contextes pédoclimatiques, en Bretagne, afin d’identifier, toujours sur les services écosystémiques d’intérêt, leur impact à l’échelle d’un territoire.
Pour proposer des scénarios de diversification pertinents, il sera nécessaire de recourir à une étude bibliographique approfondie et à une validation par un panel d’agriculteurs issus, par exemple, des partenariats construits de longue date dans l’UMR SAS (chaire AEI, réseau TRAME, etc.). Ensuite, (i) la nécessité de raisonner sur le temps long, (ii) le choix d’explorer, dans une diversité de contextes pédoclimatiques, plusieurs scénarios de diversification des cultures et (iii) la nécessaire prise en compte de nombreux processus biophysiques pour caractériser différents services écosystémiques conduiront à mobiliser, dans cette thèse, une approche par modélisation. A cet effet, nous avons retenu le modèle APSIM, largement utilisé dans la communauté scientifique internationale, et pour lequel l’UMR SAS dispose des données d’entrée (caractéristiques des sols bretons, conduites techniques, etc.).
Outre les communications dans des congrès internationaux, trois publications dans des revues à comité de lecture seront produites :
Le/la candidat/e devra présenter des compétences en agroécologie, attestées par un diplôme d’ingénieur ou de master en agronomie ou en écologie. Il/elle devra montrer un intérêt pour la modélisation et pour l’analyse statistique.
Ce projet offre une véritable possibilité de renforcement local, et donc de préservation du leadership du centre INRA – Bretagne sur la question de l’évaluation environnementale des systèmes de culture diversifiés. En effet, la préparation d’une nouvelle HDR (Matthieu Carof, maître de conférences en agronomie à AGROCAMPUS OUEST) sur la conception et l’évaluation environnementale des systèmes de culture diversifiés renforcera le potentiel d’AGROCAMPUS OUEST et de l’INRA sur la thématique de la diversification des cultures et permettrait la coordination locale des recherches des autres UMRs (ex UMR BAGAP) sur cette thématique. Au niveau national, ce travail s’intégrera dans le cadre de l’initiative CROPDIV[1], portée par le département Environnement et Agronomie de l’INRA, dans laquelle l’UMR SAS est impliquée. Au niveau international, ce projet s’articule avec l’Université de Davis (Californie, Etats-Unis d’Amérique) avec laquelle un accord a été récemment signé par AGROCAMPUS OUEST et dont la représentante, Amélie Gaudin, sera impliquée dans le comité de pilotage.
Le projet de thèse repose sur l’idée que la diversification des cultures est un moyen essentiel pour modifier profondément les systèmes de production agricole bretons afin qu’ils répondent aux enjeux du XXIème siècle. Des systèmes de cultures plus diversifiés permettraient de contribuer à l'adaptation et l'atténuation aux changements climatiques, la préservation des ressources en eaux, et les régulations biologiques substitutives de l'utilisation de pesticides.
Ces nouveaux modes de production agricole permettraient donc de concilier durabilité économique, sociale et environnementale de l'agriculture bretonne mais également de renforcer les autres secteurs économiques tels que le tourisme ou l'agroalimentaire.
Financement INRA METAPROGRAMME ECOSERV 50 % (acquis)
Plus d'informations dans le descriptif de l’offre téléchargeable ici.
[1] CropDiv vise à développer, à partir de projets de recherche en cours et commençant, une communauté scientifique de pratique sur les méthodes et les outils pour l'analyse intégrée et la modélisation des systèmes agricoles afin d'aborder une série de questions sur la façon dont la diversification des plantes peut supporter la conception de systèmes de culture durables.