Duchaufour Philippe ( 1912-2000 )

    Introduction :

    Ph. DUCHAUFOUR, prof. de pédologie à Nancy a lancé la classification des sols “Aubert-Duchaufour”, a édité en 1960 un précis de pédologie qui a eu un succès mondial et a été le patron d’un labo de biologie de grande réputation.

     

    Biographie :

    Philippe Duchaufour est né le 23 juin 1912 et nous a malheureusement quittés le 2 décembre 2000. Après de brillantes études à l’Institut national agronomique, dont il sortit major, Philippe Duchaufour entra à l’École Nationale des Eaux et Forêts. Dès sa sortie de cette école, et après l’obtention d’une Licence en Sciences naturelles, il fut nommé adjoint au Directeur de la 2ème section de la Station de Recherches (Botanique), à Nancy. Durant la guerre, il s’établit à l’École d’ingénieurs des travaux des Eaux et Forêts aux Barres près de Montargis, où il enseigna l’écologie et commença à préparer sa thèse. En 1945 il revint à l’École nationale des Eaux et Forêts à Nancy. Sa thèse, ” Recherches écologiques sur la chênaie atlantique française “, fut soutenue en 1947. Elle mettait en évidence, à partir de l’étude de la végétation et des sols de diverses forêts du secteur ligérien, du Massif armoricain et des Landes de Gascogne, les relations d’interdépendance existant entre roche-mère, végétation, peuplement forestier, type d’humus et sol. Chacun de ces facteurs réagissant sur les autres pour provoquer une évolution soit dans un sens régressif, des sols bruns aux podzols, soit, dans certaines conditions, progressif, allant du podzol ou du sol podzolique au sol brun lessivé. Le parallélisme de l’évolution de la végétation et des sols était vigoureusement souligné. Cette thèse, qui était une des toutes premières en France, peut-être la première, à être consacrée en grande partie à la pédologie, science relativement récente, et, comme il le dira plus tard, “science difficile mais science féconde”, eut un très grand retentissement dans les milieux universitaires.

    Il œuvra alors durant 14 ans comme professeur de pédologie et de géologie à l’École forestière, et son enseignement y a connu beaucoup de succès auprès des élèves, tant par sa très grande clarté et son esprit synthétique que par les applications forestières qu’il suggérait. Durant ces quatorze années, de 1949 à 1962, il développa donc les aspects appliqués de la pédologie à la gestion des forêts, notamment l’étude et la cartographie des stations, le développement des techniques de recherche sur la nutrition minérale des forêts et la fertilisation forestière. Il poursuivit simultanément des travaux de recherche fondamentale en pédogénèse, en continuant, sur la lancée de sa thèse, à travailler à mieux distinguer lessivage et podzolisation et à mieux caractériser, sur le plan chimique, les différents types d’humus.

    Il céda alors aux sollicitations de l’Université, et devint en 1961 Professeur de Pédologie à l’Université de Nancy et fondateur, comme Directeur, du Centre de Pédologie biologique du C.N.R.S.. Il le resta jusqu’à sa retraite en 1975. Il créa à Nancy, au niveau maîtrise, outre un certificat de Pédologie, deux DEA, l’un de Pédologie Générale, l’autre d’Agro-Éco-Pédologie. L’un et l’autre connurent un grand succès. Ses remarquables qualités pédagogiques furent unanimement reconnues, comme elles l’avaient été à l’École forestière. Ses travaux sur la pédogénèse, et la publication de plusieurs versions successives de la classification française des sols, et, pour plusieurs d’entre elles, mises au point en collaboration avec le Professeur Georges Aubert, le firent connaître dans le monde entier. Sous son impulsion, les chercheurs efficaces qu’il sut attirer au Centre de Pédologie améliorèrent considérablement les connaissances en pédogénèse et en chimie et morphologie des humus, sans oublier le développement nouveau qu’ils donnèrent à la microbiologie du sol, complément indispensable de la physico-chimie.

    Sur le plan humain, ses qualités dominantes étaient la modestie et la fidélité à ses amis. Il n’hésitait jamais à faire évoluer ses positions scientifiques si l’un de ses collaborateurs, fût-il tout jeune, lui apportait des arguments solides. Il est l’auteur de plusieurs livres de pédologie, certains traduits en russe, en anglais, en espagnol ou en japonais : d’abord ” Traité de Pédologie “, édité par l’École forestière dès 1956 et complété par ” Tableaux descriptifs et analytiques des sols “en 1957, puis ” Précis de Pédologie ” (trois éditions de 1960 à 1970), associé à un ” Atlas Écologique des Sols du Monde “, puis ” Pédologie “, en deux tomes, ” I – Pédogénèse et Classification ” et ” II – Constituants et Propriétés des Sols “, ce second tome réalisé en collaboration avec de nombreux chercheurs de l’Université, du C.N.R.S. et de l’I.N.R.A. Le dernier ouvrage, ” Abrégé de Pédologie “, a connu un succès tout particulier. Une dernière et 6ième édition est parue sous le titre “Introduction à la Science du Sol – Sol, végétation, environnement “. Il publia naturellement de très nombreux articles dans les meilleures revues scientifiques de Science du Sol. Dans le domaine de la cartographie des sols, et lors de la création du Service d’Etude des Sols et de la Carte Pédologique de France, il fut un des premiers à proposer le levé et l’inventaire des sols d’une des plus belles et des plus variées des régions françaises qu’il connaissait fort bien : le massif Vosgien. Il ne cessa depuis lors de soutenir les programmes de connaissance spatiale des sols.

    Philippe Duchaufour fut Président de l’Association Française pour l’Etude du Sol, et était Membre de droit de l’association nationale depuis de très nombreuses années. Son action au plan international fut de même remarquable, et il convient de noter qu’il participa à l’organisation du VIe Congrès Mondial de la Science du Sol qui se tint à Paris en 1956, et qu’il était encore Membre des Comités qui organisèrent le XVIe Congrès de l’AISS en 1998 à Montpellier. Ces activités l’avaient par ailleurs conduit à être élu Membre d’Honneur de l’Association Internationale de Science du Sol. Travailleur infatigable et passionné, il s’est, jusqu’à son décès à 88 ans, tenu parfaitement au courant de l’évolution de la science à laquelle il a consacré toute son existence, apportant encore à maintes reprises sa compétence à des colloques ou à la direction de jeunes chercheurs. Avec Philippe Duchaufour disparaît un des représentants majeurs de la Science du Sol, en France et au niveau mondial.

     M. Bonneau et M. Jamagne